Après une forte activité constatée ces dernières semaines, le durcissement des conditions de confinement impacte désormais le chiffre d’affaires des officines. 

Les pharmacies des centres commerciaux et des centres-villes sont les plus impactées avec des baisses d’activité très significatives. Leur activité centrée sur la parapharmacie et le conseil est quasiment à l’arrêt.

Les pharmacies rurales et des quartiers rencontrent elles aussi une baisse d’activité.

Elles sont, en outre, confrontées à un manque d’effectif pour cause de maladie avec du personnel de plus en plus touché par le Covid19. Certaines ont réduit leurs plages horaires d’ouverture, d’autres sont passées en mode « volets fermés » et délivrent uniquement par le sas de garde afin de préserver le reste de l’équipe. Dans cette dernière situation, le chiffre d’affaires est également fortement impacté.

Face à cette situation inédite, quelles sont les mesures à prendre dans le cadre d’une baisse de chiffre d’affaires ?

Joël LECOEUR, associé de LLA Experts-Comptables et Président du groupement CGP (Conseil Gestion Pharmacie) délivre ses conseils :

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En préambule, il faut se mettre dans l’idée que le confinement peut se prolonger et que la baisse d’activité peut durer plusieurs mois comme ce fut le cas en Chine. L’objectif sera de préserver sa trésorerie pendant cette période plus ou moins longue et d’avoir les moyens de relancer l’activité en sortie de crise. Il faut user de toutes les mesures d’accompagnement prises par le gouvernement pour passer ce cap, aidé de votre expert-comptable pour leur mise en place.

1.    Déterminer son seuil de rentabilité :

La première des choses à faire est de se rapprocher de son expert-comptable et de définir, avec lui, le seuil de rentabilité. Le seuil de rentabilité est le chiffre d’affaires minimal pour pouvoir couvrir l’ensemble de ses frais fixes (frais généraux, frais de personnel, rémunération du titulaire, les échéances d’emprunt intérêts et capital).
Ce seuil de rentabilité pourra être exprimé sur la période étudiée (jour, semaine) et décliné en nombre de ventes et panier moyen. L’analyse du chiffre d’affaires des deux prochaines semaines permettra de tirer les premiers enseignements et les dispositions à prendre. En effet, après une première semaine avec une forte fréquentation, il est logique que la semaine suivante soit beaucoup plus calme par l’anticipation des ventes. Si le seuil de rentabilité n’est pas atteint, il conviendra alors de réduire les frais fixes.

2.    Réduction des frais fixes :

  • Les achats :

La première des choses à faire est de différer les commandes et livraisons des achats directs non nécessaires à la poursuite de l’activité et de privilégier les commandes auprès des grossistes répartiteurs pour le réapprovisionnement. Il ne faut pas perdre de vue que la réception de la marchandise déclenche juridiquement la facturation et donc le paiement. Le direct étant payable généralement à 60 jours, serons-nous sortis de la période de confinement à l’échéance ? 
Différer ses paiements fournisseurs est une fausse bonne idée. En effet, une telle action déployée à grande échelle par l’ensemble des entreprises risque de gripper le système et de multiplier les défaillances d’entreprises. C’est l’effet domino.

  • Les frais généraux :

Les pharmacies des centres commerciaux pourront négocier un moratoire sur le loyer avec leur bailleur. Le gouvernement et les organisations de bailleurs ont conclu un accord le 20 mars 2020 qui suspend l’exigibilité des loyers et des charges à partir du 1er Avril et prévoit la mensualisation des arriérés un fois la reprise d’activité.
Les échéances de crédit–bail peuvent être différées de 6 mois sur simple demande du locataire.
Les pharmacies rencontrant des difficultés pour payer les factures d’eau, d’électricité et de gaz peuvent demander par mail un report amiable à leurs fournisseurs. 

  • Les frais de personnel :

Les frais de personnel représentent le principal poste de charges dans le compte de résultat. Différentes mesures prévues par le gouvernement sont possibles en pharmacie.

- Mise en place de l’activité partielle (chômage partiel) :
L’activité partielle est possible en pharmacie si l’officine rencontre une baisse notable de son chiffre d’affaires.
Le principe même de l’activité partielle est d’éviter des licenciements ou des ruptures de contrat.

Là encore, il faut se rapprocher de son expert-comptable qui est à même d’effectuer pour votre compte les formalités de demande d’indemnisation. 

Il faut veiller à demander une période suffisamment longue de réduction d’activité si le confinement se prolonge et si la reprise d’une activité normale se fait attendre.

Les salariés sont indemnisés à hauteur de 84 % du salaire net pour les heures chômées sauf si elles sont utilisées à la formation (indemnisation à 100 %).

Le pharmacien aura toujours la possibilité de verser un complément sous forme de prime afin de maintenir le salaire net.

Les conditions de versement de la prime Macron ont été assouplies. Elle pourra être versée en l’absence d’accord d’entreprise pour les entreprises de moins de 250 salariés, ce sera un bon moyen de récompenser et motiver le personnel en cette difficile période.  

- Prise de congés payés pendant la période de confinement :
Une nouvelle ordonnance permet de faire prendre par anticipation 6 jours de congés payés au personnel pendant cette période de confinement. Un accord d’entreprise est nécessaire et doit être ratifié par les 2/3 des salariés présents à l’officine ou le CSE si l’officine en est pourvue. L’expert-comptable peut également vous fournir un modèle d’accord.

- Prise de RTT :
Pour les officines qui ont mis en place les RTT, l’employeur peut imposer, à des dates déterminées par lui, la prise maximum de 10 jours de RTT et ce jusqu’au 31 décembre 2020 sans aucun formaliste particulier à l’exception de respecter un délai de prévenance d’au moins un jour franc.

- Arrêt maladie :
L’arrêt maladie est possible dans le cadre des gardes d’enfants, les personnes exposées au coronavirus et les personnes classées à risque par le HCSP.

- URSSAF :
Le pharmacien peut moduler et reporter tout ou partie des cotisations salariales et patronales jusqu’à trois mois. Sollicitez votre expert-comptable pour faire le report et déclarer la DSN à 0. Un report peut également être possible pour les cotisations retraite complémentaire, il convient de se rapprocher de sa caisse complémentaire APGIS ou KLESIA. 

- Fiscal et social :
Le pharmacien titulaire ne bénéficie pas de l’activité partielle. Sa couverture de prévoyance ne fonctionne que s’il est lui-même atteint par le virus.

- Impôt sur le revenu :
Si le pharmacien est amené à réduire sa rémunération de gérance ou son revenu, il peut moduler à tout moment le taux et les acomptes de prélèvement à la source. Il peut également reporter d’un mois sur l’autre jusqu’à trois fois le prélèvement mensuel, une seule fois s’il est au prélèvement trimestriel.

- Cotisation TNS :
Concernant l’URSSAF, si vous payez le 20 du mois, le prélèvement automatique du 20 mars est annulé. Le montant sera lissé sur les mois suivants (avril à décembre). Si vous payez le 5 avril, le montant de cette échéance sera lissé sur les échéances ultérieures (mai à décembre).
En complément de cette mesure, vous pouvez solliciter l’octroi de délais de paiement, y compris par anticipation. Il n’y aura ni majoration de retard ni pénalité. Vous pouvez également demander un ajustement de votre échéancier de cotisations pour tenir compte d’ores et déjà d’une baisse de votre revenu en l’estimant, sans attendre la déclaration annuelle.

La CAVP n’a pas jugé utile pour le moment de suspendre les cotisations des officinaux. Si vous rencontrez des difficultés économiques, vous pouvez néanmoins faire une demande de report de vos cotisations en utilisant le formulaire de contact disponible sur son site internet. Nous pouvons légitimement penser que la CAVP mettra en place des dispositions particulières si l’activité des officines décroche comme elle l’a fait auprès des pharmaciens biologistes.

Les cotisations retraites facultatives dites loi Madelin peuvent faire l’objet d’une modulation dans un rapport de 1 à 10. Elles peuvent donc être réduites temporairement de 90 % sans remettre en cause le sort du contrat. Il convient de prendre contact avec sa compagnie d’assurance.

  • Les échéances d’emprunt :

Les banques françaises se sont engagées à reporter jusqu’à 6 mois le remboursement des crédits des entreprises sans frais comme annoncé dans un communiqué de presse de la Fédération Bancaire Française datée du 15 mars 2020. Seules les échéances en capital seront différées et reportées en fin de crédit. Cela se traduit par un allongement de 6 mois de la durée initiale du crédit. Il convient de veiller à poursuivre le paiement de l’assurance-décès du prêt et de prévenir l’assureur en cas de délégation d’assurance.

L’ensemble de ces mesures permettra de réduire le seuil de rentabilité. Si ces mesures s’avéraient insuffisantes, il convient alors d’avoir recours aux prêts de trésorerie garantis par l’Etat.

3.    Prêts de trésorerie :

Ce dispositif de PGE (Prêt Garanti par l’Etat) a pour objectif de faciliter l’octroi par les banques de prêts de trésorerie et permet de disposer de la trésorerie nécessaire pour poursuivre son activité, préserver les emplois et assurer les paiements inter-entreprises (paiement notamment des fournisseurs).

Il suffit de contacter le conseiller bancaire habituel de sa banque pour en bénéficier.

Votre expert-comptable sera en mesure de déterminer avec vous son montant sans pouvoir dépasser 3 mois de chiffre d’affaires et ses modalités de remboursement d’une durée maximale de 5 ans avec un différé de 12 mois.

Une fois obtenu le pré-accord de prêt par votre banque, il conviendra de se connecter sur le site de la BPI (Banque Publique d’Investissement) afin d’obtenir un identifiant unique permettant le déblocage des fonds.

En synthèse

Il ne faut pas négliger les différentes pistes offertes par les mesures d’accompagnement aux entreprises et donc aux pharmacies pour passer ce cap.

L’objectif sera de préserver sa trésorerie tout en assurant le paiement des salaires et de ses fournisseurs. Le pharmacien aura besoin de toutes ses forces vives (ressources humaines et marchandises) pour relancer son activité.

Le Prêt Garanti d’Etat est le meilleur dispositif pour sécuriser sa trésorerie, pérenniser sa pharmacie et préserver ses emplois. Sollicitez–le et si au bout de 12 mois vous constatez ne pas en avoir besoin, vous pourrez le rembourser en une seule fois.

La reprise d’activité nécessitera de disposer de trésorerie suffisante. Nous pouvons légitimement penser que les fournisseurs, à l’issue de cette période de confinement, prennent quelques précautions afin d’éviter d’éventuelles défaillances de paiement en demandant par exemple le règlement de factures pro-forma avant livraison. Le fait d’avoir pu préserver sa trésorerie et assurer le paiement de ses échéances en cette période difficile facilitera les rapports commerciaux à venir…

Mesures en date du 30 Mars 2020, susceptibles d’évolution selon les actions de soutien du gouvernement.

Nous remercions Joël Lecoeur pour ces précieux conseils.  


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