La crise sanitaire qui nous a percuté en mars dernier semble s’inscrire à présent dans la durée. N’est-ce pas Marie-Hélène Gauthey ?

Oui tout à fait. Nous devons tous continuer à vivre avec la menace du Covid19.

L’heure du bilan n’a pas véritablement sonné mais il peut tout de même être intéressant de faire déjà un premier point à 6 mois sur les enseignements que chacun peut tirer sur sa propre manière de faire face à cette crise.

 

Comment pourriez-vous aider les pharmaciens à structurer leur propre analyse sur leur manière d’avoir appréhendé et géré ces premiers mois de crise ?

Je pense qu’il faut procéder à une analyse de sa propre gestion de la crise sur différents points. D’abord, il faut commencer par prendre du recul sur l’humain c’est-à-dire sur soi-même et sur les membres de l’équipe officinale.  Ensuite, chacun peut analyser son mode de management pendant cette crise. Enfin, il me parait important aussi de se poser sur ses conséquences économiques et sa manière de gérer le volet de l’économie et de la commercialité de la pharmacie.

 

Justement qu’est-ce que les pharmaciens peuvent apprendre sur eux-mêmes ?

L’être humain peut réagir de manière très différente face à une menace et il intéressant de prendre le temps de la conscientiser. Chacun peut se demander quelle a été sa posture au tout début de la crise. Est-ce qu’on a pu être dans le déni voire la fuite ? Ou plutôt immédiatement dans l’action comme un capitaine de bateau qui reste à la barre en pleine tempête ? On peut se demander quelles ont été ses émotions comme par exemple la peur ou le stress.

Comment les a-t-on gérées au quotidien ? Toutes les réponses à ces questions sont riches d’enseignement pour déjà renforcer sa connaissance de soi-même et éventuellement agir différemment dans une situation identique qui se produirait dans le futur.

 

Et sur l’équipe officinale ?

J’ai échangé sur ce sujet avec de nombreux titulaires. C’est intéressant d’avoir une lecture des attitudes et comportements de chaque membre de l’équipe. Chacun a pu voir sur qui il pouvait réellement compter avec des bonnes surprises mais aussi des déceptions. Au fond chacun a pu aussi identifier comment chaque membre de l’équipe a eu aussi sa propre manière de vivre cette situation inédite et l’implication portée sur sa situation professionnelle. Mais je crois surtout que les réactions ont été aussi les conséquences des actions managériales que le titulaire a réalisé en début et pendant la crise. C’est d’ailleurs toujours d’actualité.

 

Face à ces réactions de l’équipe, quelle lecture peut-on faire de son propre management ?

Est-ce que le titulaire a pu fédérer son équipe ? Quelle a été la cohésion de l’équipe avec des absences pour la plupart des officines ? Quelles sont les actions qui ont permis de maintenir voire de renforcer l’esprit d’équipe ? Est-ce que le manager a su remercier et reconnaître ceux qui sont rester au front au côté du titulaire ? Toutes les réponses à ces questions permettent finalement de faire un état des lieux de ses bonnes pratiques managériales et peut-être de les faire évoluer.

 

L’économie de l’officine a été aussi chahutée par la période. Comment les pharmaciens peuvent analyser leurs actions sur ce sujet ?

De même, il faut réfléchir sur les actions qui ont été prises. Est-ce qu’ils ont mis en place les mesures de soutien économique du gouvernement comme le report des charges ou différer les emprunts voire effectuer un prêt garanti par l’état ? Chaque titulaire peut aussi se demander en quoi leur expert-comptable l’a aidé pendant cette période ?

 

Quelles sont les opportunités qui ont pu se créer et comment les faire perdurer dans le temps ?

Certains secteurs d’activité se sont développés pendant cette période comme par exemple les produits vétérinaires, les produits d’hygiène, la commande et la relation à distance avec les patients clients. A voir à présent ce qu’il faut mettre en place pour maintenir les nouvelles habitudes de consommation qui se sont créées pendant la période de confinement.

Il faut également se demander comment faire perdurer l’usage des réseaux sociaux et du site internet de l’officine.

Peut-être aussi faut-il adapter son référencement et la mise en avant des produits dans l’officine en fonction du contexte. La situation anxiogène crée du stress et des troubles du sommeil. Le confinement a créé des addictions notamment au tabac. Les pharmaciens peuvent mener des actions pour prendre en charge tous ces effets délétères sur la santé de leurs patients clients.

Aussi, la distribution des masques aux professionnels de santé même si elle a été difficile a pu être une opportunité de créer ou renforcer des liens avec eux.

 

Pour les prochaines semaines qui pourraient s’avérer à nouveau difficiles, quels conseils pourriez-vous donner aux pharmaciens ?

Comme tout chef d’entreprise, il faut rester à la barre d’un bateau en pleine tempête. Le fait de prendre le temps de faire ce bilan intermédiaire face à une situation inédite permettra à chacun de renforcer les bonnes actions mises en place et de faire évoluer celles qui auraient été moins bien gérées. Chacun doit à présent s’inscrire dans la durée, l’endurance est nécessaire. Et enfin, il faut tâcher de rester positif vis-à-vis du futur pour ne pas baisser les bras. Le virus est là et la vie continue, nous allons vivre avec donc je conclurai la réponse à votre question avec une citation de Lao Tseu « Il n'est rien qui ne s'arrange par la pratique du non-agir ».

 

Donc rester dans l’action…

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06/10/2020