Interview de Marie-Hélène Gauthey, Directrice Générale Atoopharm :

1. Quel point de situation pouvons-nous faire à ce jour ?

Nous pouvons espérer à présent de réelles éclaircies avec l’accélération de la campagne de vaccination. Les pharmaciens et les équipes officinales ont fait preuve d’un engagement remarquable tout au long de la crise et comme vous l’avez dit, ils sont toujours sur le front avec la réalisation des tests antigéniques et la vaccination. Nous pouvons vraiment les en remercier. Ils ont su adapter leur organisation et s’engager immédiatement dans ces missions dont les enjeux de santé publique sont très forts.

 

2. Oui en effet, les pharmaciens ont su adapter très vite leur organisation. Ces missions qui leur ont été confiées seront-elle un accélérateur de la mutation du métier qui était déjà amorcée avant la crise ?

Il faut en effet espérer que l’engagement des pharmaciens ouvrira le champ des possibles. Une des avancées très fortes à mon avis est la mobilisation des préparateurs pour la réalisation des tests antigéniques. Comment pourrait-on exclure à l’avenir les préparateurs pour réaliser des actes de dépistage ou de prévention alors qu’ils réalisent des prélèvements nasopharyngés ? Leur mobilisation faciliterait la mise en place d’autres actions à fort enjeu de santé publique et lèverait les contraintes liées à l’organisation.

 

3. Justement côté organisation, en quoi la crise sanitaire aura-t-elle fait bouger les lignes ?

On voit bien qu’un des freins à la mise en place des entretiens pharmaceutiques était le manque de temps. La crise sanitaire et le fort engagement des pharmaciens à lutter contre la pandémie a levé ces freins. Ils ont su adapter leur organisation pour réaliser des tests et la vaccination. Le temps consacré au back office, à savoir les achats, a été transformé par du temps consacré aux patients clients. Cela a été possible par la réduction des rendez-vous avec les représentants des laboratoires. La bascule réduction du temps consacré aux achats vers le temps consacré aux patients s’est effectuée par la force des choses et de manière brutale mais qui, à mon sens, aura contribué à lever les freins liés au temps. Il faut tout de même avoir en tête que cette situation a été et reste exténuante pour les titulaires et les équipes officinales.

 

4. Nous avons souvent évoqué les bonnes pratiques managériales par temps de crise, quels conseils donnez-vous aux titulaires pour le management dans ce contexte de fatigue extrême ?

Tout chef d’entreprise doit garder la barre et tenir le cap malgré la tempête.

La fatigue excessive a tendance à influencer nos pensées de manière négative. Le tout va mal prend le dessus. C’est maintenant plus que jamais qu’il faut pratiquer la pensée positive et trouver les quelques leviers qui permettent de remettre de l’énergie d’ici les vacances. Pour cela, j’invite tous les titulaires à faire la liste de tout ce qu’ils ont réussi depuis mars 2020. De la protection de leurs salariés à la distribution des masques, la fabrication de solution hydroalcoolique, le renouvellement des ordonnances, la campagne de vaccination antigrippale, la mise en place des TROD puis des tests antigéniques et à présent de la vaccination COVID.

Sans oublier les services supplémentaires comme la livraison à domicile, le click & collect, les liens créés avec les autres professionnels de santé… Toutes ces actions positives doivent contribuer à insuffler de l’énergie jusqu’aux vacances.

 

5. Et pour l’équipe ?

Je pense qu’il faut attendre la rentrée pour faire un bilan collectif avec eux pour conscientiser les réussites et les mutualiser pour l’avenir. En attendant, pour maintenir l’énergie et ne pas « plomber » l’ambiance de travail par le négativisme ambiant, je recommande de commencer à communiquer de manière positive sur tout le chemin parcouru sans oublier ce qui doit être permanent à savoir reconnaitre au quotidien, féliciter et remercier. Il faut tenir compte de chacun et faire preuve de bienveillance pour garder la cohésion de l’équipe. C’est la dernière ligne droite avant les congés, la vaccination s’accélère, donc accrochons-nous, restons positifs et solidaires.

Si l’économie de l’officine le permet, la reconnaissance avec une prime (dispositif prime Macron) sera un plus, c’est un bon moyen de remercier l’équipe et aussi les fidéliser.

Afin de changer du sujet « COVID », il peut être intéressant de les faire se concentrer sur d’autres sujets comme celui de l’animation du point de vente pendant l’été et à la rentrée ou sur des sujets de formation qui les intéressent ou qui pourraient les aider face à des situations clients patients pas toujours faciles.

 

6. Comme quoi par exemple ?

Les techniques de communication, comme savoir bien questionner les patients pour identifier leurs attentes sans que ce soit perçu comme un interrogatoire, savoir bien argumenter, ne pas se laisser déstabiliser par des objections et savoir bien les traiter.

Et puis, il y a la mise en place des entretiens des patients sous anticancéreux oraux. Le sujet étant vaste et complexe, il peut être intéressant si ce n’est déjà fait de muscler ses connaissances sur ce sujet.

 

7. Et pour la rentrée, quelles actions managériales préconisez-vous ?

Il faut garder en tête que le management c’est permanent, et c’est d’autant plus important en période ou le recrutement est en forte tension. Il faut fidéliser ses salariés et se donner les moyens de pouvoir recruter en cas de nécessité.

Je préconise de faire un point individuel avec chacun afin d’identifier l’état d’esprit et la motivation de chaque membre. L’entretien pourrait se tenir en 3 étapes :

  • Comment le collaborateur se sent à son retour de congés et dans le contexte de la rentrée ?
  • Qu’est-ce qu’il aime le plus dans son métier ? Qu’est-ce qu’il aime le moins ? (Ne pas oublier qu’on sait bien faire ce que l’on aime). Cela donnera des points d’informations précieux pour orienter les choix de formation continue.
  • Qu’est-ce que cette crise lui a personnellement appris ? Comment se projette-t-il sur l’évolution du métier ?

 

Ensuite une réunion avec toute l’équipe me parait indispensable pour reconnecter la cohésion d’équipe qui serait plus un point de situation à savoir :

  • Toutes les réalisations depuis le début de la crise (cela permet de conscientiser le positif et les victoires).
  • Identifiez les fiertés (tour de table).
  • Communiquez sur la mutation du métier qui s’est accélérée et sur les perspectives (entretien sous ACO, diabète, sevrage tabagique, dépistage… )
  • A bonne distance, un « déjeuner » apéro déjeunatoire peut être un bon moyen de fêter les réussites, victoires…
  • Projetez sur l’avenir et l’évolution du métier.
  • Positivez également sur les relations à succès avec les patients clients et les professionnels de santé autour de la pharmacie.

 

Pour ceux qui ont des difficultés de recrutement, travaillez la marque employeur…

 

8. Qu’est-ce que les pharmaciens peuvent faire pour développer leur marque employeur ?

Ceux qui ont mis en place les bonnes pratiques managériales ont plus de facilités à recruter. L’ambiance de travail, les missions avec des responsabilités sont des critères de choix des candidats dans un marché où la pénurie est réelle. Il faut accepter l’évolution des mentalités et du rapport au travail et donc s’adapter. Rendre l’officine attractive pour les clients patients était déjà nécessaire mais à présent il faut aussi la rendre attractive pour les salariés. Et il faut bien avoir en tête que ce n’est pas uniquement un salaire que recherchent les adjoints et les préparateurs.

 

9. Côté relation patients clients et autres professionnels de santé, quels constats pouvons-nous faire ?

J’échange avec de nombreux pharmaciens et je peux constater que l’engagement des pharmaciens aura créé des loyautés auprès des patients clients mais aussi auprès des professionnels de santé. J’entends régulièrement que certains pharmaciens qui avaient peu de contact avec les professionnels de santé ont créé des liens forts durant cette crise et il me parait important de les maintenir pour l’avenir. On sait tous que l’interprofessionnalité est nécessaire pour améliorer le parcours de soin de la population. Cette crise aura, pour certains, permis d’ouvrir les barrières et le maintien de la communication et des relations sera de bon augure pour la suite.

 

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23/06/2021